Saint Jacut au mois de Septembre a de tout temps exercé sur moi ses charmes si particuliers. Les éclairages, les sons , les odeurs de l’été finissant participent à la création d’une atmosphère unique à ce lieu.
Le soleil encore généreux en journée, semble comme fatigué à son lever, perçant avec difficultés les quelques brumes matinales dues au refroidissement nocturne de la mer. Le soir épuisé de sa course, il se couche toujours plus tôt et toujours plus sud. L’inclinaison nouvelle de ses rayons en journée, modifie sensiblement la perception de l’environnement, modifiant les contrastes, apaisant les paysages, relevant les détails d’un pignon de maison, d’un toit, d’un bosquet d’arbres, d’une ruelle …
La propagation des sons semble également différente, l’enfant qui crie sur la plage, le chien qui aboie dans le jardin un peu plus loin, l’automobile qui remonte la grand rue, les conversations des consommateurs du café de la place, les cloches de l’église sonnant dix-sept heures, tout semble ouaté, assourdi, permettant à chacun de faire vivre ses réflexions, où de les quitter juste pour voir passer cet avion que le bruit de son moteur a annoncé, où ce sifflement d’hirondelle qui ne semble pas s’être aperçue que ses congénères étaient sur le départ.
Les touristes du mois d’Aout sont partis, emmenant avec eux avec le stress des gens pressés, laissant la place aux promeneurs, aux rêveurs et aux Jaguens qui sillonnent leur presqu’île pour s’assurer que tout est bien resté en place après l’agitation de l’été. Des petits groupes se forment de-ci de-là, des voisins, des parents, des amis commentent cet été qui vient de s’écouler, les enfants qui sont rentrés à Paris à Bordeaux ou à Rennes qui ont promis comme tous les ans de revenir à la Toussaint si le travail le leur permet …
D’autres commentent leur pêche à pied à la dernière marée d’équinoxe, le vent a fait fuir les crevettes, les crabes étaient ridiculement petits, les ormeaux n’en parlons pas, tout ça promet une belle marée en Octobre, et que dire de la marée de février l’année prochaine, zéro mètre dix au bas de l’eau, quasiment du jamais vu.
Enfant, j’aimais rester à Saint-Jacut chez ma tante jusqu’à la rentrée des classes qui a cette époque bénie se faisait fin Septembre, je pouvais faire un jour le tour de la presqu’île à marée montante en escaladant les rochers aux points les plus difficiles où la mer déjà me barrait la route et le lendemain faire le tour à l’envers à marée basse sans rencontrer âme qui vive. Le soir, une délicieuse odeur de potage emplissait la maison précédant une petite soirée devant des mots croisés où des réussites aux cartes voire un dernier tour jusqu’aux plages voir si le soleil avait enfin réussi à éteindre l’incendie qu’il allumait tous les soirs sur les côtes du Guildo. Soirées inimaginables pour un enfant d’aujourd’hui mais qui si longtemps après me laissent toujours un sentiment de bonheur